Prudence dans l’exercice du droit d’agir en justice

La jurisprudence a longtemps considéré que l’action en justice ne dégénérait en abus que s’il était relevé une intention nocive, de malveillance, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol de la part du demandeur.
Si l’abus de droit était souvent soutenu, il était jusqu’à présent rarement retenu par les tribunaux.
Toutefois, plusieurs décisions récentes témoignent de ce que les juges semblent désormais plus enclins à entrer en voie de condamnation sur ce fondement.
Dans un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation relevait déjà que « toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, sans qu'il soit nécessaire que soit caractérisée une intention de nuire ».
Faisant application de ce principe, la 3ème chambre du Tribunal judiciaire de Paris a, dans deux jugements rendus les 11 et 13 septembre 2024 (RG n°24/07819 et 21/08936), condamné les demandeurs pour procédure abusive en relevant :
➡ dans la première affaire, que « les diverses irrégularités affectant l’acte d’assignation, par ailleurs lacunaire dans ses éléments d’identification des œuvres et contribution sur lesquelles la demanderesse revendique des droits d’auteur, traduisent une légèreté blâmable » ;
➡ et dans la seconde affaire, que « les demandes fondées sur les marques et le modèle sont manifestement dépourvues de sérieux, reposant seulement en définitive, sur la critique de ressemblances génériques que le droit des marques et le droit des modèles visent précisément à laisser libres et ignorant les divergences pertinentes, ce que les demandeurs, assistés d’un professionnel du droit, ne pouvaient plus ignorer après la réponse apportée par la défenderesse » et que « le fait que, par ailleurs, les demandes en concurrence déloyales reposent simplement sur une erreur d’analyse mais pas sur une légèreté fautive ou une intention malveillante est indifférent dans la caractérisation de l’abus de procédure, dès lors que ces demandes n’étaient susceptibles de fonder qu’une réparation modique et une interdiction de certaines modalités de communication mais pas l’interdiction complète du produit de la défenderesse, laquelle ne reposait que sur l’allégation abusive du risque de confusion avec les marques et de contrefaçon du modèle ».